Energies renouvelables : Tlemcen montre la voie
Le Congrès international sur les énergies renouvelables et le développement durable (Icresd_07) s´est tenu à Tlemcen du 21 au 24 mai 2007. Ce congrès a été organisé par l´Unité de recherche "Matériaux et énergies renouvelables" (Urmer) de l´Université Aboubakr-Belkaïd de Tlemcen sous la direction du professeur Benyoucef en collaboration avec le Centre de développement des énergies renouvelables (Cder-Alger) et l´Institut du développement durable (Metz-France).
Le Congrès a vu la participation de 400 universitaires, chercheurs, doctorants et industriels venant de pratiquement toutes les universités du pays (27/30) centres de recherche et unités de recherche Adrar, Ouargla, Tlemcen. Nous notons, également, une participation qualitative d´éminents professeurs et directeurs de recherche algériens et étrangers venant de plusieurs pays en l´occurrence: France, Suisse, Suède, Allemagne, Palestine...
Actuellement, l´Algérie s´inscrit clairement dans la perspective de développer les énergies renouvelables (avec des matériaux et systèmes propres) dans le cadre d´un développement durable, l´objectif étant d´instaurer une stratégie progressive de substituer les énergies issues des hydrocarbures par les énergies renouvelables. Les thématiques développées lors de ce congrès touchent essentiellement aux énergies renouvelables classiques: les matériaux pour des énergies propres, l´économie de l´énergie, la complémentarité avec les énergies des hydrocarbures et l´énergie nucléaire sans altération à notre planète, le développement durable, la position algérienne vis-à-vis des accords de Kyoto: contraintes et avantages, la politique des quotas de CO2, les changements climatiques.
Nombreuses recommandations
Ce congrès a vu la participation de plus de 400 chercheurs, algériens et étrangers ayant contribué aux travaux ainsi que les débats, discussions et recommandations ayant suivi: il y eut dix-sept conférences, cent quatre-vingt (180) communications orales, deux cent trois (203) communications posters et quatre tables rondes.
A l´issue des travaux du Congrès et plus particulièrement lors des tables rondes, il en est ressorti un grand nombre de recommandations dont la prise en compte peut et doit aider inévitablement à asseoir une politique saine rigoureuse et prometteuse de développement des énergies renouvelables dans le cadre d´un développement durable.
Pour la première table ronde "Les énergies renouvelables- valorisation", considérant l´importance du gisement d´énergies renouvelables d´une part, et du potentiel humain spécialisé impliqué dans les laboratoires de recherche, d´autre part, les principales recommandations proposées sont: Toutes les énergies ont leur place et il n´y a pas de raisons particulières pour les mettre en compétition. Il y a lieu de mettre en place une stratégie nationale cohérente de valorisation de "toutes" les énergies renouvelables. Il faut encourager la mise en place de passerelles entre les laboratoires de recherche d´une part, le secteur industriel et socioéconomique, d´autre part.
Encourager l´utilisation des technologies solaires matures ayant fait leurs preuves sur le terrain par la création de filiales adossées aux laboratoires avec le soutien des chercheurs, filiales qui vont se transformer progressivement en petites entreprises innovantes. Il faut noter que les équipements de la conversion des énergies renouvelables bénéficient d´une acceptabilité sociale beaucoup plus grande par rapport aux technologies polluantes. Favoriser l´ouverture de nouvelles thématiques de recherche prometteuses sur les matériaux solaires économiquement intéressants dans l´avenir tels que les piles à combustibles et l´hydrogène d´origine solaire et renouvelable.
Concernant la table ronde "Environnement-Développement durable", sur le plan institutionnel, la multiplication des organes nuit à leur efficacité d´où l´intérêt d´une plus grande coordination entre les centres. Sur le plan réglementaire, de nombreux textes existent mais en l´absence de textes d´application ils restent sans effet. La mise en oeuvre d´une stratégie en matière de protection de l´environnement et de développement durable devrait pouvoir être conciliée avec l´émergence d´initiatives sectorielles en matière de contrôle, de suivi et de mise en oeuvre de politique de défense de l´environnement.
S'agissant des changements climatiques, il y a lieu de souligner le caractère multidimensionnel et planétaire du changement climatique. A cet effet, l´Algérie doit s´inscrire dans l´échelle internationale pour lutter contre ce fléau afin de s´intégrer et de bénéficier des apports internationaux en termes juridiques, réglementaires, techniques, financiers et d´expertise. Notre pays devrait, également, mettre en place une stratégie nationale de lutte contre les effets du changement climatique. Cette stratégie doit faire l´inventaire des actions et des moyens à mettre en oeuvre et ce, en coordination avec l´ensemble des secteurs concernés et en particulier le ministère de l´Aménagement du territoire et de l´Environnement et plus particulièrement l´Agence nationale des changements climatiques. Des mesures concrètes, d´ores et déjà répertoriées, doivent être prises en urgence, à savoir, la lutte contre le déséquilibre des écosystèmes fragiles (dans les steppes et zones arides).
Une politique de préservation de notre patrimoine forestier et de reboisement intensif. Une politique incitative (mesures financières) à l´utilisation des énergies renouvelables et des actions inscrites dans le cadre du développement durable.
La formation doctorale a fait l´objet d´un rapport d´étape sur les voies et moyens d´amélioration de son fonctionnement. Il est incontestable que ces écoles doctorales sont une innovation à mettre au crédit du ministère de l´Enseignement supérieur. Cependant, rien ne peut se faire sans l´argent -le nerf de la guerre-. Voilà des universitaires qui font du mieux qu´ils peuvent pour assurer les enseignements mais l´intendance peine à suivre, notamment en ce qui concerne les bourses pour les chercheurs.
Il est utopique de croire que l´on peut garder un chercheur 8 heures au laboratoire si on ne le met pas à l´abri du besoin d´une façon décente. Ce qui arrive, c´est qu´il tente de survivre en galérant à gauche et à droite. Il vient que la recherche s´en ressent et on comprend pourquoi des magisters durent aussi longtemps.
Pour revenir au congrès de Tlemcen, ville d´art et d´histoire s´il en est encore une fois, elle fut au rendez-vous; nous ne rencontrons pas cet égoïsme des grandes villes. La solidarité universitaire sur le plan du déroulement du congrès et l´avis unanime des participants, le congrès Icresd 07 tenu à Tlemcen, a été une réussite totale grâce, notamment à la conviction du président du congrès qui a su fédérer toutes les énergies- c´est le cas de le dire, avec la sollicitude bienveillante du recteur de l´université.
A bien des égards, nous donnons l´impression de nous noyer dans un verre d´eau pendant qu´un tsunami multi-dangereux est derrière nous. Il a pour nom la mondialisation subie et non choisie. Il a pour nom les changements climatiques. "La maison brûle et on regarde ailleurs" disait l´ancien président français Jacques Chirac à propos des changements climatiques. Il a pour nom le savoir auquel nous tournons le dos. Il nous faut changer de fusil d´épaule. Le monde se fera sans nous si nous continuons à contempler nos nombrils pendant que la science devient de plus en plus inaccessible. Nous serons de moins en moins producteurs de connaissances et de plus en plus consommateurs des produits de la science d´autant plus déclassés, que nous n´aurons plus les moyens d´accéder scientifiquement au top.
L´Union méditerranéenne dont parle le président Sarkozy est une utopie à notre portée.Nous avons besoin d´être organisés de l´extérieur. Les réelles potentialités de chaque pays du Maghreb, notre chance de disposer d´un Sahara de plus de 4 millions de km2 sont pour nous, autant d´atouts. Il faut ajouter à cela la dépendance inexorable en énergie de l´Europe et sa compétition avec la Chine et les Etats-Unis pour la "chasse-gardée" que représente le Maghreb et qui risque de lui échapper.
Je milite en tant que scientifique et technologue pour un institut maghrébin de l´énergie avec l´aide et l´apport scientifique des voisins de l´autre rive, nous devons aller de l´avant. Pour cela, il nous faut, à l´échelle de chaque pays, définir un modèle de consommation suffisamment flexible qui tienne compte de nos potentialités multidimensionnelles aussi bien en énergie qu´en compétence.
A titre de première expérience, l´Ecole polytechnique et le Laboratoire de valorisation des énergies fossiles ont mis en place un enseignement spécialisé en économie de l´énergie (P.G.S). à l´adresse des secteurs de l´énergie avec la participation de toutes les compétences du pays aidées, naturellement par des experts étrangers. Il n´est pas exclu d´envisager d´étendre cette expérience aux autres pays du Maghreb. C´est comme cela que le Maghreb de l´intelligence se fera loin des querelles byzantines qui retardent l´émergence du Maghreb des peuples tant fantasmé.
Cela me rappelle une boutade du regretté Aboubakr Belkaïd parfait homme d´Etat et doué d´un savoir encyclopédique, d´une réelle connaissance de la psychologie des hommes et ce qui ne gâte rien, d´un esprit de synthèse qui lui permet de conclure tout un discours en une phrase bien tournée: "Devant les querelles intestines qui agitaient le microcosme politique, il nous racontait l´histoire des dirigeants byzantins qui se querellaient à propos du sexe des anges, alors qu´ils étaient assiégés par les Turcs".
A bien des égards, nos interrogations identitaires, religieuses spatiales n´auront plus cours dans une vingtaine d´années car le monde aura profondément changé. Il y aura pénurie d´énergie, d´eau, de matières premières.
Si on ne s´organise pas, la mondialisation nous organisera par des colonisations à distance Dans la division actuelle du monde, le Maghreb économique, scientifique, financier et comme puissance militaire, n´existe pas! Tout au plus, c´est une zone de turbulences idéologiques et, accessoirement, un havre pour les tourismes en mal d´exotisme et qui ne désespèrent pas de retrouver l´orientalisme voluptueux et le bon temps des colonies sous une forme plus soft et en définitive aussi dangereuse car elles installent les peuples maghrébins dans le mektoub, la fatalité de ce néocolonialisme à visage humain...Voulons-nous en définitive, d´une mondialisation subie ou d´une mondialisation choisie?
Nous ne cesserons de plaider pour une vision de l´avenir dans le domaine de nos ressources en général et de l´énergie en particulier. Il nous faut un cap,il nous faut une stratégie. L´Algérie peut mieux valoriser son maillon fort qu´est l´énergie. Nous ne devrions pas vendre pour vendre de l´énergie. De plus en plus, les acheteurs se bousculeront au portillon. Lors de la 11e Journée de l´énergie, nous avons pointé du doigt la nécessité d´aller sans tarder vers la mise en place des outils pour tracer les contours de ce que devra être notre modèle énergétique dans les 25 prochaines années.
Vision d’avenir
Nous devons trouver un chemin vers une croissance respectueuse de l´environnement -savons-nous que nous sommes un pays pollueur avec 4 tonnes/hab/an? Comme certains pays européens qui, eux, contrairement à nous, produisent de la richesse - et qui ne laissent personne sur le bord de la route. Dans ce contexte chaque calorie exportée devra, non seulement, rapporter son équivalent monétaire mais aussi en compétence pour la mise en place d´autres sources d´énergie dont nous ne maîtrisons pas la technologie. A titre d´exemple, nous vendons du gaz à l´Espagne, il serait indiqué d´indexer la vente sur un transfert de technologie dans le domaine du solaire et de l´éolien, il en est de même avec l´Allemagne qui a une grande avance dans ce domaine sur tous les autres pays européens.
Avec la France, la "réalpolitik" du président Sarkozy qui tranche avec la politique sentimentale des anciens présidents est, pour nous, un atout.
Nous devrons construire un avenir énergétique en demandant l´aide pour la mise en place de centrales électronucléaires permises par l´Aiea. Sachant qu´il faut une quinzaine d´années pour la mise en place d´une centrale, il nous faut réfléchir dès à présent dans le cadre de ce bouquet énergétique à inventer et à investir.
S´agissant de ce 2e Congrès sur les énergies renouvelables, Tlemcen a montré la voie. Cependant, il est à regretter l´absence des secteurs pour un sujet éminemment crucial pour l´avenir du pays.
Il m´a été donné d´apprécier et d´admirer cette jeunesse universitaire algérienne qui va à la conquête de la science loin du m´as-tu-vu, des querelles byzantines et des statuts injustifiés des députés qui ne reposent ni sur le mérite ni sur une probable valeur ajoutée si ce n´est dans le désordre. Ce que j´ai vu à Tlemcen, de tous ces bourgeons de cette jeunesse fascinée par l´avenir et le savoir, m´incite tout de même, à l´optimisme.
L´Algérie de demain ce sont elles et eux qui décideront enfin, scientifiquement, objectivement, loin de tout tapage médiatique creux et sonore, de cette Algérie qui nous tient tant à coeur et que nous devons servir du mieux que nous pouvons.
Par l'ExpressionDZ, Chems Eddine Chitour. Le 4 juin 2007.