Tlemcen : L'andalou à la page
L'ensemble national algérien de musique andalouse entre authenticité et modernisme.
La maison de la Culture Abdelkader Alloula a abrité un concert de musique andalouse donné par l'orchestre national de musique andalouse dirigé par le musicologue Rachid Guerbas.
Cette soirée musicale n'a pas drainé un grand public, le chef d'orchestre a montré sa déception en saluant les mélomanes présents car la ville de Tlemcen a-t-il précisé «est le berceau de la musique andalouse avec son patrimoine historique et musical et surtout ses grands cheikhs tel que Hadj Cheikh Larbi Bensari, Hadj Abdelkrim Dali, Feu Hadj Bouali Mohamed et d'autres. Je suis en train de faire des recherches pour immortaliser cette musique pour la rendre universelle».
L'ensemble réunit en son sein des musiciens issus des trois ensembles régionaux, représentant trois écoles classiques algériennes, Cordouane Sanâa Alger, Ghernatia de Tlemcen de Seville, le malouf de Constantine sous la direction du prodige Rachid Guerbas, musicologue, compositeur et pédagogue. Ces trois ensembles, précise la fiche technique du grand orchestre andalou, désirent tenter l'expérience de se détacher du dogmatisme de l'assimilation rigoriste d'un seul modèle de référence.
Ce groupe qui a donné des concerts à Alger et à travers tout le pays s'inscrit dans le cadre de la manifestation «Alger capitale de la culture arabe 2007». A la fin du concert, Rabia l'animatrie de la radio locale qui a transmis en direct la nouba Mezaroun a organisé une petite table ronde avec la presse, Rachid Guerbas et quelques musiciens.
Rabia a accroché l'artiste par cette question pertinente : «on vient d'assister à une prestation entre symphonie et Nouba, n'est-ce pas la 25ème nouba ? Rachid Guerbas précisa qu'on n'a rien supprimé, il y a une seule école pleine de richesses. Je suis un chercheur neutre qui recherche la cohérence culturelle.
Ce n'est pas facile, même l'institut de musique d'Alger n'a pas un département d'études sur cette musique andalouse malgré le grand boulot fait par Iles qui a fait plusieurs enregistrements avec feu Abdelkrim Dali, Dahmane Benachour, Serri et d'autres. Il y a eu jusqu'à présent une transmission archaïque. Le «mur de Berlin» doit tomber, on renoue avec nos ancêtres. Je comprends les conservateurs mais on doit rénover avec l'Ijtihad pour faire atteindre à cette musique l'universalité».
Le chemin est difficile, d'autres musicologues l'ont fait avant cette tentative de Rachid Guerbas, le pionnier étant Mahieddine Bachtarzi, comme Souste Emérite que je viens d'écouter dans l'émission choumou (bougies) de l'ENTV, Boudjema Merzak, les violonistes virtuoses Mokhtari, Karadjilali.
Tranquillise-toi M. Guerbas, le problème de la culture algérienne est plus grave il faut le chercher d'abord à l'école, la famille puis la société qui a perdu ses repères et ne pense plus à cette «musique savante» sauvée de l'oubli grâce au sacrifice de nos chouyoukhs qui, sans utiliser le solfège, ont pu nous transmettre 16 noubas sur 24 récupérées après l'exil des andalous vers l'Afrique du Nord en 1492 (chute de Grenade).
A mon avis, la programmation de votre passage à Tlemcen berceau de la musique andalouse et ses derivés (Hawzi-haoufi-châabi) a été mal préparée : le lundi étant un milieu de semaine, c'est une période d'examens pour les enfants et surtout que les associations musicales de la ville de Tlemcen n'ont pas gobé du tout la suppression du festival de la musique andalouse, utilisé depuis 1974 et qui a permis à cette musique d'atteindre en plus des trois écoles des contrées dans les Hauts Plateaux (Sougueur) et même le sud.
Votre tentative est noble et respectable mais doit tenir compte de toutes les recherches établies jusqu'à présent par des chanteurs chevronnés tels que les frères Ghoul qui ont pu faire connaître cette musique à Boston (USA), avec la même méthode que vous préconisez : garder l'authenticité : c'est le poème et moderniser (utiliser le solfège); lorsque Cheikh Ghaffour de Nedroma a conquis l'olympia de Paris avec une salle archicomble, il avait certes un orchestre mais sa voix limpide et sa mémoire prodigieuse ont fait l'effet même sur des étrangers qui ne comprenaient pas l'arabe.
Par le Quotidien Oran, Sid Ahmed Cheloufi. Le 31 mai 2007.